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DFDANSE LE MAGAZINE DE LA DANSE ACTUELLE À MONTRÉAL Critique France Montréal Pays-Bas Pays de Galles Italie lundi 14 mai 2012

VIDEO (LATIN) : JE VOIS, JE PERÇOIS, JE CONÇOIS, J’ASPIRE BANCS D’ESSAI INTERNATIONAUX 2012 PRÉSENTÉ PAR TANGENTE AU MONUMENT NATIONAL

D’ici et d’Europe, les cinq propositions chorégraphiques des Bancs d’essai internationaux 2012 accrochent, par des approches contrastées et typées de la confrontation du corps physique à son image projetée

Le bonheur est tout près, cours-y vite, cours-y vite ! Car le Syndrome de l’exilé de Babacar Cissé (Bordeaux) met en effet en scène cet espoir d’un bonheur atteint dans la réinvention d’une vie, à l’occasion d’un corps en exil. Qu’ils soient géographiques ou introspectifs, les voyages à l’autre bout du monde conduisent directement au plus profond de soi. Les distances parcourues sont grandioses et le petit pas fait en pensée pour l’humanité est un grand pas pour l’homme en question.Trois extraits d’une pièce d’une heure condensée en 20 minutes (qui donnent le goût de voir le tout en entier). Manifestement doué pour l’athlétisme contorsionniste urbain, ce bordelais n’en a pas pour autant oublié d’aboutir ses idées. Il trimbale d’une atmosphère à l’autre, impressionnant dans toutes ses prestations. En transit dans une chambre d’hôtel valise éventrée, itinérant protégé pour la nuit d’un carton souillé, ou simple nostalgique en plein déménagement, on vit son Barry White à fond, de la routine du petit matin à la drague de fin de soirée. Alors qu’ensuite il échafaude sur les théories antiques du bonheur, par un jeu d’ombres et réalité (lui courir après, se retrouver tout petit face à lui, le froisser et l’échapper d’un même coup, le confronter, tenter de l’égaler...) on renie l’Égoïste de Gould. Échoué de son bocal au final, ça n’est pas moins chavirant, de voir le breakdance riposter à des hoquets agonisants de poisson. Expressivité démoniaque dans les détails. Un éblouissement !

 

 

BLOODY UNDERRATED

MAY 12, 2012 BANCS D’ESSAI INTERNATIONAUX @ TANGENTE

This weekend Tangente is offering a buffet of different chorographic flavors from all over the world. Presented in one evening were five different works from artists hailing from five different cities across the world. Although there was no common thread in the works, it is interesting to note that an unusual interaction with video was present in three of the five works.

Syndrome de l’exilé by Babacar Cissé / Les Assocités Crew Bordeaux, France 21 minutes

This was a selection of three different excerpts from an hour-long show, choreographed and performed by Babacar Cissé. The first was an internal, prop heavy, mildly comical, theatrical segment that set up a character who was down on his luck and missing a loved one. The second was a high-energy urban dance solo set to the backdrop of several projections of his shadow dancing with him. There were moments where these shadows were less than kind to him, intimidating, shaming and abandoning him, and which point he’d break out into an impressive breakdance section. In the final excerpt, with a dark a wet stage, Cissé slides out in his stomach, nearly nude. This last section is solemn and harsh, but impressive. Taking the skills of break dancing, especially spinning, and performing them with decreased friction and this theme of struggle was effective and remarkable.


 

Journal SUD OUEST, Dimanche 20 novembre 2011 à 09h27 | Mis à jour le 20 novembre 2011 à 09h58 Par Yannick DELNESTE Ambarès (33) : « Le syndrome de l'exilé » par la compagnie des Associés crew

Le spectacle conçu Babacar Cissé, joué vendredi au pôle Ev@sion, est touchant, accessible et exigeant.

La lumière vient le chercher dans un espace réduit où il dort sur un lit qu'on devine précaire. La chambre de bonne d'un marchand de sommeil ? La cellule d'un centre de rétention ? La chambre d'hôtel d'une ville perdue en Patagonie ? On ne sait pas vraiment. On sait juste que le gars qui se réveille est ailleurs. Loin de chez lui. Un exil.

Dès cette première séquence, la danse de Babacar Cissé (dit Bouba), chorégraphe de la compagnie des Associés Crew impose son identité : signifiante mais épurée, ingénieuse et précise. L'homme s'habille. Se souvient le temps de quelques pas émouvants, d'un amour laissé là-bas. Et sort. Où est-il ? Qui désire-t-il rencontrer ? Qui sont ces ombres qu'il croise et avec qui il ébauche timidement un bout de chemin, un bout de battle ? On ne sait pas et c'est bien sûr justement la force de ce solo puissant et audacieux, au fil de la petite heure passée : croiser les visions de l'exil, intérieur ou forcé, désiré ou tragique.

Trouvailles de décor, vidéo judicieusement dosée, bande-son extraordinaire (d'Aznavour à Barry White !) : Bouba explore le thème sans l'illustrer trop, exprime cette douleur intrinsèque dans le fait de partir, mais cet espoir tout aussi chevillé aux corps, aux c'urs. On se souviendra longtemps de la séquence où plongé dans un berceau rempli d'eau, il renaît sous nos yeux, entre soubresauts, hésitations, premiers pas. On n'oubliera pas non plus, quelle belle idée, la joyeuse puis étouffante ronde que Bouba effectue lesté de l'énorme sac des migrants, qui se révèle baudruche emplie d'espoirs qui (s'en)fuient. Touchant, accessible et exigeant : « Le syndrome de l'exilé » ou la confirmation d'un grand.

 

 

Un festin chorégraphique aux saveurs internationales

Babacar Cissé - « Le syndrome de l'exilé » - Crédit Frédéric Chais

Les laboratoires de mouvements contemporains de Tangente, c’est voir au-delà de ce qui est vu, de ce qui est projeté. Cet espace interne que nous parvenons à ressentir avec la danse, loin de l’art de la performance pour soi ou pour les autres mais plus proche de la transmission de ce qui est ressenti, le ludique, l’intemporel, le non-mesuré, le risqué, le spontané, l’innée, l’espace plasmatique qui nous relie tous les uns aux autres, et comme dirait Kefirova « cette surface vibrante dans l’entre deux » qui est selon moi cette source spirituelle qui défie notre perception du temps réel et qui nous emporte dans un imaginaire impromptu.

Tout aussi touchant et marquant, l’œuvre de Babacar Cissé, dans

Syndrome de l’exilé

où trois extraits d’une œuvre intégrale de 60 minutes nous sont présentés. Un syndrome est le résultat de symptômes affectant plusieurs espaces en dans un seul temps. Qui est l’exilé en nous? L’exilé est celui qui quitte sa terre natale, souvent forcé, mais on y trouve aussi des exils plus subtils, où l’âme nous lance une perche pour nous évader afin de mieux nous sentir chez nous. Magnifiquement mis en scène par Cissé, nous nous sentons envelopper au cœur du personnage, partageant ses angoisses, sa joie, ses illusions, ses espoirs dans une innocence musclée. Des mouvements inspirés du break dance s’harmonisent avec la danse africaine, une danse qui coule et nous libère des paramètres hiérarchiques habituels en danse contemporaine. L’exil c’est aussi voir son pouvoir glisser entre ses mains dans la recherche d’un renouveau. C’est un terrain glissant pour l’âme déjà enchaînée dans un corps minuté par le temps de ce siècle. Cissé incarne mot à mot ce qu’il nous fait ressentir, en jetant deux sauts d’eau sur scène enchaînant sur l’eau avec des acrobaties calligraphiées par le break dance. En effet, jouer avec la gravité mais également avec des paramètres physiques et visuels, rend le travail de ce jeune danseur d’une qualité exceptionnelle.